Dans quelle mesure le déroulement de la grossesse, de la naissance et la première année de vie peuvent-ils influencer ce développement ?
Si on compare avec les autres mammifères, le bébé humain naît prématuré d'environ 1 an. L'augmentation du volume crânien et le passage à la bipédie (entre autres) "l'obligent" à venir au monde dans un état d'extrême dépendance, et sans aucune autonomie.
C'est donc pendant la grossesse et la première année de vie qu'on observe les "réflexes primitifs". Il s'agit de sortes de "programmes" moteurs nécessaires à la survie, et qui vont permettre au cerveau de poursuivre sa maturation par le biais de mouvements répétés spécifiques déclenchés par des stimuli précis. L'activation de ces programmes pose les bases du développement postural, moteur et émotionnel.
Parmi les environs 70 réflexes primitifs existant, certains sont recherchés à la naissance, parce que leur existence apporte la preuve d'un développement neurologique "normal".
On peut citer par exemple le réflexe de Galant (ou de reptation) qui permet au bébé de s'engager dans la filière vaginale, puis de "ramper" jusqu'au sein maternel. Par la suite les activations répétitives de ce réflexe permettront au bébé de ramper volontairement pour se déplacer.
Un autre exemple est celui du réflexe Tonique Labyrinthique nécessaire pour naître, puis pour acquérir le tonus musculaire suffisant pour garder la tête dans l'axe du corps (="tenir sa tête").
Le réflexe Tonique Symétrique du Cou, lui, doit être intégré pour permettre l'étape de la marche à 4 pattes, nécessaire elle-même à l'acquisition d'une motricité fine fonctionnelle.
On a observé que l'embryon réagit à un stimulus dès la 5ième semaine de grossesse. Ces programmes réflexes, à force de répétition, vont permettre au cerveau de développer les nombreuses connexions vers les aires supérieures responsables du contrôle moteur, émotionnel, sensoriel, de la cognition... (le "cerveau d'en haut" de Daniel Siegel).
Peu à peu, le réflexe va devenir mouvement volontaire.
C'est ainsi par exemple que le réflexe d'agrippement du nouveau-né va lui permettre de s'entraîner à décider avec quelle pression il va se saisir de l'objet qui se trouve dans sa main, puis s'entraîner à le lâcher pour l'attraper à nouveau, puis le laisser tomber de manière répétitive (vous savez, quand bébé trouve trèèès drôle de laisser tomber l'objet que vous ramassez de façon systématique...). Un enfant qui n'a pas eu suffisamment l'occasion d'expérimenter cette possibilité nouvelle "attraper-lâcher" risque "d'agripper" son stylo de la même manière qu'il agrippait votre doigt quand il était nouveau-né...
Cela ne signifie pas que les réflexes primitifs doivent disparaître... En fait ils vont être "activés" à de nombreuses reprises, répétés encore et encore, pour finir par être "intégrés" c'est-à-dire qu'ils laissent la place à des schèmes moteurs contrôlés par un niveau de conscience supérieure.
Aux alentours de 1 an, la plupart de ces réflexes ne devraient plus être observés.
Pourtant on constate que chez de nombreux enfants (et même adultes) certains de ces réflexes sont toujours actifs, ce qui empêche ou freine le développement moteur, postural, émotionnel et cognitif.
En effet, si "j'agrippe" mon stylo comme un nouveau-né, des tensions musculaires se créent dans ma main, mon bras, mon épaule, mais aussi dans mon dos, ma tête... et je ne peux pas être disponible pour la tâche qu'on me confie, c'est-à-dire écrire.
Si quand je tourne ma tête d'un côté, je ne peux pas m'empêcher de mobiliser mon bras et ma jambe du même côté, il me sera difficile d'apprendre à faire du vélo, et je risque d'être très maladroit et de faire tomber un grand nombre d'objets.
Si mon réflexe de succion n'est pas "intégré", je vais spontanément chercher à l'activer en mâchouillant le bout de mes crayons, la tirette de ma veste, en rongeant mes ongles ou en continuant à sucer mon pouce... !
Pourquoi certains réflexes peuvent ne pas s'activer ?
Rappelons-nous que les premiers réflexes apparaissent aux environs de la 5ième semaine de grossesse, au moment souvent de l'annonce de cette grossesse, ou de la prise de conscience des changements que cela implique. Un moment de grande vulnérabilité, où le stress de la maman peut déjà avoir un impact sur l'activation de certains réflexes comme le Réflexe de Paralysie par la Peur...
Il faudrait donc éviter autant que possible les situations anxiogènes ; dès que vous le pouvez, offre-vous des moments de marche en forêt, des séances de yoga ou d'aquagym prénatal, d'haptonomie... Prenez du temps pour vous et pour votre bébé, parlez-lui, entrez en relation avec lui, apprenez à le découvrir et évitez les échographies non nécessaires... Préférez-leur un temps calme pour communiquer avec votre bébé à naître...
Le déroulement de la naissance a également un impact sur l'activation correcte des réflexes : un accouchement provoqué, une césarienne, l'utilisation d'instruments (ventouse, forceps...) empêchent l'activation et donc l'intégration de certains réflexes qui n'attendaient que cet instant fondamental pour être nécessaires...
Après la naissance, un torticoli congénital ou le choix de l'allaitement au biberon (parce que toujours dans la même position) peuvent à leur tour empêcher l'apparition de certains réflexes.
Enfin, certains objets de puériculture, pourtant très utilisés, auront un effet négatif.
Coincé dans un transat ou dans un trotteur, ou installé en position assise trop tôt, votre enfant n'aura pas l'occasion d'utiliser les réflexes nécessaires à une intégration motrice harmonieuse.
Que peut-on proposer pour faciliter l'intégration des réflexes primitifs ?
Tout d'abord, privilégier la liberté de mouvement proposée par l'approche d'Emmi Pikler... la "motricité libre" est une évidence si on considère les réflexes primitifs comme les "programmes" nécessaires aux étapes chronologiques de développement psychomoteur.
Si vous avez décidé l'allaiter au biberon, prenez soin de changer votre bébé de côté à chaque biberon, comme vous le feriez au sein. Ceci afin de solliciter ses 2 yeux, oreilles, bras et jambes de façon homogène et de stimuler une latéralisation et un tonus harmonieux.
Enfin, privilégiez les expériences sensorielles. Stimulez par des jeux, des comptines, des caresses, tous les sens de votre bébé.
- la vue : approchez-vous, regardez votre bébé dans les yeux, observez ensemble la lumière qui fait briller les feuilles des arbres, allumez une toute petite lumière dans la pénombre...
- l'odorat : un savon qui sent bon, l'odeur de la menthe ou du basilic sur vos doigt...
- le goût : si vous allaitez au sein, il vous suffit de manger... de tout !
- l'ouïe : de la musique, des comptines, le chant des oiseaux, le miaulement du chat, et votre voix tout simplement !
- le toucher : caresses, câlins, massages bienveillants au programme !
L'Intégration Motrice Primordiale, quant à elle, est une technique utilisée en rééducation. Il s'agit d'un ensemble de mouvements et de bercements qui se proposent de "remplacer" les activations insuffisantes de réflexes primitifs pour obtenir leur intégration et permettre l'apparition de mouvements posturaux (et non plus réflexes).
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