Prendre son temps.

Pendant les périodes scolaires, les enfants que je vois en séances sont pressés par le temps, écrasés sous le poids des attentes familiales et/ou scolaires. Il faut toujours se dépêcher...manger vite, s'habiller vite, se laver vite, courir jusqu'à l'école, un petit bisou vite vite... Même les apprentissages doivent se faire rapidement : le programme à boucler, les devoirs, les évaluations sont une course perpétuelle après le temps. Dans une journée, il faut caser au minimum : français, maths, sciences, histoire-géo ! A cela s'ajoutent les devoirs, l'aide personnalisée parfois, et enfin judo, basket, ou violon...
Dans certains cas, s'ils n'ont pas été assez rapides, s'ils n'ont pas respecté le tempo, les enfants sont privés de récréation... Privés du seul moment de liberté relative de la matinée ! Privés de ce temps qui devrait être le leur...
La rééducation orthophonique aussi doit aller vite... Dès le bilan on me demande "combien de séances seront nécessaires"... Rendement et efficacité...

Cette semaine je travaille, mais c'est les vacances scolaires. J'ai remarqué que les enfants qui viennent en séance pendant les vacances scolaires sont beaucoup plus reposés, détendus et disponibles que pendant les périodes scolaires. Ils prennent leur temps pour investir les activités que je propose et se sentent moins agacés quand "ça ne marche pas". Du coup, les expériences ont le temps d'infuser, d'être digérées. Les enfants gagnent en confiance et la rééducation prend tout son sens...

Dans notre vie quotidienne, quelle place laisse-t-on à la rêverie, à l'attention à soi et aux autres, à l'infusion nécessaire des apprentissages ?
Comment imaginer que les enfants puissent se repérer dans le temps quand leur temps est tellement rétréci, ratatiné par nos "impératifs" d'adultes ? 

Comment faire pour ne pas "suivre le mouvement", comme la marée humaine dans le métro parisien ? Comment arrêter de courir, de se dépêcher et de presser nos enfants...

Arrêter le temps ? Impossible... Le ralentir ? Peut-être... En fait, le temps ne ralentit pas... mais nous pouvons décider de prendre le temps et de respecter notre rythme et celui de nos enfants.
Par exemple, êtes-vous vraiment certain(e)s que votre enfant s'habillera plus vite si vous lui dites 30 fois de se dépêcher ? Est-ce qu'il montera plus vite en voiture si vous lui rappelez qu'il doit être à l'heure à l'école ? Est-ce qu'il n'aura pas envie d'un gros câlin avant de vous quitter sous prétexte que l'exortez de vous lâcher vite pour ne pas être en retard au travail ? 
Mon petit bonhomme de 3 ans a depuis toujours besoin de temps dans les moments de transitions, il a besoin que je reste avec lui à la crèche un petit moment avant de se sentir suffisamment en sécurité pour me laisser partir...tous les matins... Alors on se lève plus tôt, pour partir plus tôt, et être sûrs que je puisse lui offrir de prendre son temps... Et pendant qu'on est là, presque à contre-temps, d'autres enfants arrivent...déposés comme des paquets par des parents automates... Et je trouve ça tellement triste...pour les enfants et pour leurs parents...!

Alors je vous propose quelques-uns des trucs que j'utilise pour éviter de presser mes enfants, pour ne pas leur dire "vite" ou "dépêche-toi" même si je sais que je sais que nous avons un impératif horaire...

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• Prévenir.

En général, les enfants ont besoin "de se faire à l'idée" qu'il va falloir quitter leur univers de jeu. D'ailleurs, je pense que si moi-même j'étais en train de bouquiner tranquillement et qu'on me dise "on y va, tout de suite !!!", m'obligeant à abandonner mon livre au milieu d'une page...je n'apprécierais que moyennement... 

Les enfants n'ont pas une idée précise du temps qui passe, et il faut attendre 5/6 ans pour qu'ils puissent ressentir ce que représente 5 minutes. Surtout s'ils jouent.... 

Pour préparer votre enfant à l'idée de partir, vous pouvez le prévenir 30 minutes avant, puis 10 minutes avant, puis 5 minutes avant (en précisant que c'est la dernière fois que vous prévenez, et que 5 minutes ce n'est pas très long).

Vous pouvez aussi programmer ensemble une minuterie avec une musique qui lui plaît et dire "quand on entend la musique ça veut dire qu'il est l'heure de partir".  

Il existe des timer comme celui-ci qui permettent de visualiser le temps qui passe.

• Entendre les sentiments.

Dire "je comprends que tu en aies assez de mettre un bonnet, une grosse veste..." permet à votre enfant de se sentir compris, de constater que même si on ne peut pas faire autrement son ressenti est légitime. Par ailleurs, cela lui donne l'opportunité de dire "oui, j'en ai vraiment marre !!!" tout en s'habillant, plutôt que de se rouler par terre (ce qui ne lui permet pas de s'habiller...).

• S'occuper de ses besoins.

Vous pouvez demander à votre enfant de quoi il aurait Besoin pour pouvoir aller au lit, ce qu'il a Besoin de faire avant de pouvoir venir à table...
Ces questions orientent votre enfant sur une tâche précise qui a un début et une fin ; mais elles vous permettent aussi de vous connecter à lui en faisant ponctuellement abstraction des impératifs "sociaux".

• En chanson.

Quoi que vous ayez à faire, faites-le en chanson... Choisissez une comptine que votre enfant aime beaucoup et inventer des paroles qui correspondent à la situation.
Par exemple : avec l'air de "un petit canard au bord de l'eau" on peut chanter "un petit peton dans sa chaussure, il est si beau, il est si beau...." 
Pas toujours facile au début, mais on s'y fait vite... et la clé de la réussite est la surprise liée à l'improvisation, ça fera rire votre bambin. Profitez-en !

• Proposez un défi, un jeu.

Vous pouvez faire la course : "crois-tu que tu peux être habillé avant moi ?" - "le premier qui a mis ses chaussures peut appuyer sur le bouton de l'ascenseur"... On peut aussi faire la course en marchant à 4 pattes, à reculons, en descendant l'escalier sur les fesses ou en faisant la grenouille qui boîte...

Si votre enfant refuse d'avancer ou de monter se laver, vous pouvez jouer à "attrape-moi si tu peux"...

A "Jacques a dit" vous pouvez jouer avec plusieurs enfants sans créer de bagarres : chacun doit respecter la consigne. "Jacques a dit : mettez vos vestes" - "Jacques a dit : mettez vos bonnets"...  Pour pimenter, vous pouvez ne pas commencer par "Jacques a dit" : dans ce cas, l'action ne doit pas être réalisée... Par exemple : "enlevez vos chaussures" - "laissez vos sacs dans l'entrée"...

Vous pouvez aussi proposer à votre enfant de faire le trajet à dos de cheval, de dragon, de kangourou, ou de limace... Là, évidemment, tout dépend de votre forme physique... parce que traverser la maison en faisant la limace avec un bambin hurlant "plus viiite" sur le dos, c'est pas donné à tout le monde...

• Proposer des choix.

Laisser à votre enfant la possibilité de choisir lui permet de connecter son "cerveau droit" et son"cerveau gauche".
Vous pouvez dire par exemple : "je sais que tu n'as pas envie de mettre un bonnet...tu préfères le vert à rayures ou bien le bleu avec un pompon ?"
Ou encore : "tu veux mettre d'abord les chaussures ou bien d'abord la veste ?" - "tu fais seul ou bien tu veux que je t'aide ?" - " tu veux prendre ta douche avant ou bien après le repas ?"

• Entrer dans l'imaginaire. 

Les enfants ont un accès direct et illimité à l'imaginaire... Etre capable de s'y aventurer avec eux est un atout fabuleux, qui permet d'entendre toutes les frustrations et de les utiliser pour changer de direction.

Un exemple : 
"- Ouh, on dirait que tu n'as pas envie de goûter le repas que j'ai préparé aujourd'hui ! 
- Non, je n'aime pas cette viande, et les patates sont trop grillées !
- Mince alors ! Et qu'est-ce que tu aimerais manger ?
- Je sais pas...
- Moi, j'aimerais manger des aubergines grillées je crois...
- Moi, des frites, pas trop grillées... avec de la sauce... et du poulet au barbecue... (elle a pris sa fourchette !)
- Moi je voudrais aussi des tomates bien mûres, du jardin... et des fraises en dessert !
- Oh oui des fraises ! (elle mange...!!!) C'est bientôt la saison des fraises ? De la pastèque aussi... et des cerises...."  

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Tous ces trucs ne sont que des propositions, pas des recettes miracle... Ce qui fonctionne une fois ne fonctionnera peut-être pas le lendemain, ce qui fonctionne avec un enfant ne correspondra pas nécessairement à son frère... Parfois il faut mixer, associer deux solutions ou plus, et dans tous les cas faire preuve d'imagination...

Pour conclure, ces idées ne vous permettront pas toujours d'aller plus vite, mais elles vous donneront l'opportunité de respecter le rythme de vos enfants en respectant aussi les impératifs horaires ! Et dans la bonne humeur...!!! Plutôt chouette non ?

Prenez le temps...